Poète et philosophe, et chrétien aussi - c'est le même homme assurément, parce que le même corps habité de toutes ces passions. Et pourtant combien de voix distinctes échangent, se répondent, comme une première polyphonie, restreinte mais déjà bien réelle, avant de convoquer tant d'oeuvres au fil d'une érudition prodigieuse et pourtant légère.
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On le connaît philosophe, tout à la tâche de méditer les promesses de sens contenues dans la parole, de toute parole qui se lève et se risque à répondre à l'appel du monde, du beau, des autres, de Dieu..., mais contenues aussi dans l'espace plus resserré du poème. La parole et la voix, le nom et le corps, le cri et le murmure, la nudité et la pudeur, le plus bouleversant dans le plus intime, l'aventure entière d'être-homme dans le souffle des mots et leur silence - la poésie ne dit rien d'autre, mais avec une encore plus grande retenue, et sans aucun souci d'illustrer. Le poème juste dit, ne démontre rien. On le sait chrétien, sans jeu de mots facile, et surtout sans que la foi brûlante qui fut la sienne ne dresse le moindre péage dont le lecteur devrait s'acquitter pour entrer dans l'espace tout d'hospitalité du poème. Poésie profane donc, comme lui-même le reconnaissait, et sans qu'il y ait lieu d'émettre sur ce point le moindre soupçon. Voilà pour les différences - mais n'eussions-nous que les livres de philosophie, sans doute aurions-nous pu deviner une sensibilité poétique à l'oeuvre, doublant de sa langue d'orfèvre la rigueur des descriptions et commentaires. (4e de couverture)